Nous nous tenons là, entre terre et ciel
2018
série de 8 images
Montages photographiques et fil de couture
Format 30 x 40 encadré
Pour les deux séries : « Nous nous tenons là, entre terre et ciel » et « Les égarés, une sacralisation de l’ordinaire » j’ai extrait des images décadrées, dont le motif prime sur le sujet.
De prime abord on pourrait considérer que ces images ne devraient pas figurer dans un album parce qu’elles sont « imparfaites ».
Mais c’est justement leur imperfection qui les rend remarquables .
Ces albums regroupent des photographies « argentiques ». Le temps était différent. La photo prise - le cliché étant emprisonné dans le boitier, nous n’avions aucun moyen de savoir si elle nous convenait, et il fallait attendre que le développeur fasse son travail pour le découvrir.
Il développait les négatifs et imprimait des photos sur lequel, parfois, il apposait un sticker « sans débit », constatant que l’image, souvent pour des problèmes de netteté, n’était pas bonne et donc ne la facturait pas. Il ne prenait pas la décision, au plus émettait-il un jugement sur la qualité de l’image. Libre à son propriétaire de la conserver ou de la détruire.
Nous sommes à l’air du numérique et nous prenons des images en rafale, ensuite vient le choix de les garder ou de les supprimer d’un clic, d’un mouvement de la main. C’est instantané.
Dans ces albums j’ai découvert ces photos que ma mère a décidé de conserver sans doute pour le sujet en premier plan mais aussi parce qu’elles étaient précieuses par leur rareté. Elle ne s’est pas attachée à l’esthétique de l’image, elle ne les a pas jugées, elle les a simplement préservées. Mon propos dans ces séries est de poursuivre son intention originale en les sacralisant. Une forme de continuité.
« Nous nous tenons là, entre terre et ciel » regroupe des images dont l’arrière-plan constitué de motifs est prépondérant. Ces images datant des années 65-70, il est naturel que le goût de l’époque en matière de décoration transforme ces images en un décorum tellement chargé qu’elles en deviennent comme englouties.
Nous avons inventé le papier peint pour remplir le vide, pour que le regard traverse, pour que l’œil s’échappe de la monotonie du mur et laisse l’esprit divaguer. Sans doute avons-nous inventé les tableaux pour la même raison.
Pour les enfants de cette époque, dont je fais partie, ce décor était la porte d’entrée de notre imaginaire. À l’abri de nos chambres, nos doigts traçaient des lignes et servaient de support à nos histoires. Cette série est née, par extension, du souvenir que dans certains bureaux , on collait une image panoramique, une forêt qui transformait un mur aveugle. Un leurre, une contrefaçon.
J’ai donc remplacé le motif par une image, image issue de cartes postales anciennes choisies pour leur grain et leur paysage délicieusement désuet, intrinsèque à la nature même de l’objet. Le fil rouge reliant la mise en œuvre et l’original revient à réintégrer le contexte mais aussi à contrecarrer le sticker du photographe. Une manière de les rendre remarquables, d’ajouter s’il est besoin un gramme de poésie.