Point de rencontre. Deux points, ouvrez les guillemets…
Extrait du document Presse Galerie Françoise BESSON, Lyon
J'étais une princesse
2015-2016
deux séries de 9 images
reproduction photographique avec broderies au fil de couture, sequins et perles
format hors cadre 20 x 20 cm
Les deux séries présentées, s’intitulant « J’étais une princesse », abordent des thèmes récurrents dans mon travail : il y est question d’identité, de mémoire, du souvenir et de la réminiscence, mais également de l’image mentale et de son double imprimé : l’image spéculaire telle que définie par Lacan.
Mais, au-delà de ces questionnements, la motivation de ce travail est la mise en jeu de l’intime et son basculement dans l’universalité . La recomposition du souvenir, par touches successives, renverse ce qui ressemble à un autoportrait pour finalement lui donner une valeur universelle.
Lorsque j’ai commencé à trier et scanner les images de l’album de famille emprunté à ma mère, j’ai été frappée par l’image de cette petite fille censée me représenter, mais dans laquelle je ne me reconnaissais pas. Je ne me reconnaissais ni dans son attitude, ni dans son sourire. Je sais qu’elle me représente car elle est entourée de mes proches que j’identifie, mais il existe une forme de travestissement, de mensonge, une profonde dichotomie entre cette image spéculaire et moi-même.
Alors, tel un détective, je suis partie à ma recherche.
La famille de mon père est si nombreuse, qu’enfant je ne parvenais pas à les identifier. A contrario, celle de ma mère se limite à ma grand-mère, fille-mère et émigrée polonaise qui ne parlait ni de son pays d’origine, ni de son passé. Ma mère n’a jamais cherché à connaître l’identité de son père. Elle l’a fantasmé sans le chercher, sans doute pour éviter tout désenchantement.
C’est son droit, c’est son histoire, mais elle a entachée la mienne.
Les couches successives : le choix des images, la broderie puis les textes constituent un processus lent et délicat qui permet de rendre visible un souvenir indéfini, de l’ordre du ressenti. La broderie, souvent très longue à réaliser, d’une extrême fragilité, c’est dessiner l’émotion, l’instant, le point d’attache. Son exécution, lente et minutieuse permet la mise en place du souvenir par une abstraction de la réalité du moment, elle met en suspension l’espace-temps dans lequel je me trouve pour me projeter dans une émotion ancienne.
Percer le papier ou la toile revient à percer le mystère.
Former des boucles permet de relier un à un le fil du souvenir.
La broderie, tout comme le texte, ne sont pas des rajouts, elles sont autant de couches nécessaires à la restitution de la mémoire.
Cette remémoration par le texte qui accompagne l’image est factuelle, le récit mélange fabulations et affabulations, anecdotique parfois mais toujours ressenti, je pourrais sans doute y ajouter une odeur si j’avais accès à cette dimension de représentation.
Cette histoire est la mienne mais sa résonance prime sur l’autoportrait .
Nous sommes tous cet enfant posée sur une balançoire.
Lors de mon voyage à Varsovie, j’ai offert à l’amie qui me recevait une photographie brodée représentant ma grand-mère et ma mère enfant. C’était pour moi un geste fort : celui de rétablir le lien avec leur terre ancestrale.